BAKEL : LA DERNIERE DEMEURE DE L’HOMME OU LE VILLAGE DES MORTS !
Depuis un peu plus de deux mois (du dimanche 26 février au dimanche 19 mars 2023), comme les années précédentes, les Bakélois s’étaient toujours donné rendez-vous dans les différents cimetières de la Commune pour les nettoyer.
Il a fallu d’énormes efforts, tous ces dimanches dans ces différents cimetières de la capitale du Gadiaga pour parvenir à enlever les hautes herbes et les arbustes épineux qui envahissaient ces lieux incontournables, à respecter par tous les vivants car représentant leur dernière demeure.
Ce quartier ou village des morts comme l’appellent certains, est par excellence l’endroit le plus calme, le plus craint, le plus évité en temps normal mais le plus plein à craquer lors des enterrements. Le ton est donné dans les mosquées déjà, lors de la levée des corps : un monde fou accompagne les défunts, après la prière mortuaire, dans leur dernière « villa ».
Le silence choquant et étonnamment parlant qui y règne, après l’ultime dépôt des corps sans vie, la solennité qui entoure la dernière séparation et subitement le vide « extérieur » de la nouvelle cité incitent pour un instant à la pitié.
De jeunes prêcheurs profitent de la solennité du moment et du lieu pour faire étalage de leurs immenses connaissances religieuses en rappelant des anecdotes reçues, dans un silence à peine perturbé par les coups de pioches ou de pelles qui couvrent de sable le corps du disparu à jamais !
Des vérités tellement actuelles qui, malheureusement, sont vite oubliées dès qu’on s’éloigne du cimetière ! Par exemple :
<<-Si vous avez, grâce à DIEU, dans ce bas-monde, sept belles maisons à étages ou plus, vous ne pourrez loger que dans une seule. Et dans la maison de votre choix, vous ne serez que dans une seule chambre. C’est aussi un seul lit que vous y occuperez.
Une fois malade et transporté à l’hôpital, si la vie vous tourne le dos, vous ne reverrez plus jamais vos immeubles ! Adieu : avoir, savoir, pouvoir ! La morgue vous accueille pour la toilette funèbre avant la prière particulière des morts ! Le village du silence dans lequel la Maison, votre demeure, a été construite très rapidement par des bonnes volontés que vous ne connaissiez même pas auparavant, vous attend, avant de fermer ses portes et ses fenêtres sur vous tout seul !
Vos maisons du bas-monde ne vous appartiennent plus ! Vos épouses commencent le veuvage. Tous vos biens obtenus licitement ou non, seront, en un temps inimaginable, dilapidés. Vous n’y saurez rien et n’y pourrez rien ! Vos épouses pourront se remarier avec d’autres hommes et profiteront de tout ce que vous aviez, durant toute votre existence, amassé au prix d’efforts surhumains !
Si vous avez la chance d’avoir laissé derrière vous des descendants qui vous respectent, ils prieront régulièrement à la maison ou sur votre tombe, pour vous, afin que DIEU, le MISERICORDIEUX vous pardonne et vous accueille dans son Paradis éternel. >>
L’hôpital n’est pas toujours le dernier lieu fréquenté par les vivants avant de mourir mais comme le cimetière, cet endroit doit être visité souvent pour sensibiliser les hommes, leur montrer leurs limites et leur permettre de réfléchir sur la vie et la mort.
Qu’importent vos pouvoirs, votre avoir, votre sexe, votre beauté, vous resterez désormais seul dans cet « Hôtel 10 Etoiles » loin des yeux, peut-être pas loin des cœurs.
Les jeunes de Bakel, encadrés par leurs aînés, les personnes du troisième âge, ont montré que tôt ou tard, ces lieux qu’ils sont en train de nettoyer deviendront leur demeure : autant les rendre accessibles et présentables aux futurs « locataires ».
Dès les premières heures du jour, armés de râteaux, de coupe-coupe, de haches…ils arrachaient la paille, la ratissaient et en groupes de quatre ou plus, la transportaient derrière le mur du cimetière. Pendant ce temps, les personnes âgées suivaient les travailleurs, les encourageant avec des mots dont elles seules détiennent les secrets revigorants. Leur présence s’explique pour surveiller aussi la quantité de sachets d’eau, de glace, d’eau fraîche, de biscuits, de bonbons, d’argent que des bienfaiteurs ont bien voulu offrir, pour se faire pardonner de leur absence, de leur incapacité à tenir un râteau ou une hache, pour encourager les travailleurs ou tout simplement en qualité de musulmans moralement obligés de participer à de tels événements normalement incontournables.
Chacun a son rôle à jouer dans la société. Demain n’appartient à personne. Mais, ce qui est sûr et certain, c’est qu’un jour ou l’autre, ces endroits silencieux, ces villages des Morts nous accueilleront tous!
Idrissa Diarra Bakel/Tambaactu1
Partagez